Harry Roselmack : "Nous ne faisons pas de politique"

Publié le par Mehdi MEKLAT et Badroudine SAID ABDALLAH


harry-roselmack.jpg INTERVIEW - MEDIAS Un écran géant diffuse les chaînes du groupe Bouygues, toutes muettes sauf une, TF1. C’est l’heure de « New York, section criminelle », en ce vendredi après midi. Dans le fin fond d’une zone à peine desservie par la RATP, l’entrée du temple de la télévision française. Le monde est beau, la vie utopique, c’est TF1 ! Nous patientons quelques minutes dans les canapés en cuir ultra moelleux, puis c’est l’heure d’y aller ! Harry Roselmack a accepté de nous recevoir pour 15h30 et c’est pile l’heure ! Son assistante descend nous chercher et nous accueille d’un « Bienvenue dans notre grande maison ».

 1er étage, le bureau de Roselmack. Il nous fait patienter un instant et nous serre la main, prie de nous installer. Interview du journaliste, premier présentateur du JT de couleur et coéquipier de Anne Sophie Lapix pour « Sept à Huit ». Interview

 

La première question qui s’impose, c’est bien évidemment les reportages, souvent pleins d’a priori, sur la banlieue que vous diffusez sur votre chaine. Que répondez vous a cette question qui doit souvent revenir ?

Je peux dire qu’il y  a une part de fantasme, sur le fait que TF1, mène une politique défavorable à propos de la banlieue. Il y pas de mot d’ordre ou de nuire à la jeunesse de banlieue, au contraire. Maintenant, il y a largement du fantasme et une part de réalité liée peut être à quelques maladresses dans le cadre de certains programmes qui sont diffusés, et qui vont changer. Par ailleurs,  il faut comprendre que notre métier, dans le cadre des informations quotidiennes, est de donner à notre public des infos, et l’information relève par nature du disfonctionnement. Je ne vais pas dire au journal « Un train est parti à l’heure aujourd’hui, il n’y a pas de grève à la SNCF » ou « En banlieue tout va bien ». C’est vrai que « le news » fait l’événement.

 

Mais quand l’on sait que le ministère de l’intérieur, convoque la presse pour une grande interpellation avec plus de 1000 policiers, trois jours avant. Est-ce que la presse, par exemple TF1, doit suivre ça ?

Nous ne faisons pas de politique mais de l’info. Une opération d’interpellation qui mobilise plusieurs centaines de CRS, c’est une information. Après, la façon dont l’information arrive aux journalistes on peut en discuter. Il y a des choses sans doute à revoir, mais pas sur le traitement de l’information. Vous ne pouvez pas nous dire, « il y a des émeutes à tel endroit mais il faut ne pas en parler ». Maintenant, il y a une autre partie du journal société ou culture sur ce qui se passe en France ou a l’étranger. Là, par contre, nous avons le choix de choisir, par exemple, une bonne initiative en banlieue. Cela relève du choix.

 
Outre les news, c’est vous qui décidez du contenu du journal ?

En effet, on fait des choix de sujets. Des choses qui nous semblent intéressante qui nous interpellent en tant que journaliste, et qui peuvent intéresser le public.

 

On parle souvent de censure, c’est une question un peu taboue chez vous…

Elle est pas tabou, elle n’a pas de réalité, en tout cas, me concernant. TF1 est une rédaction qui souffre de pas mal de préjugés, je vous assure.  Si je considère que mon honneur professionnel est bafoué, je m’en vais. Je pense que tout journaliste digne de ce nom s’il estime être censuré, en plus de façon répéter, faut qu’il s’en aille. Nous sommes dans une rédaction où nous avons la chance d’avoir des interlocuteurs, on a la chance de débattre.

 

Vous avez donc jamais été confronté à la censure ? 

Nous avons eu le seul cas, dans SEPT A HUIT, où il y avait divergence. On avait fait un sujet sur le frère de Rachida Dati qui a été condamné. Mais entre les deux instances, sa sœur est devenue garde des sceaux. Lui, son message était de dire « je suis un bouc émissaire ». Nous avions fait cette interview, nous avons eu une discussion tout à fait déontologique et normal avec un directeur de chaine et puis à terme, certains estimaient que cela relevait de la vie privée des politiques, que l’on ne traite pas sur TF1. Il a été décidé de ne pas passer cette interview. C’était le seul cas !

 
Vous trouvez cela normal ?

Evidemment que c’est normal ! Une rédaction à une charte et celle-ci doit être fait respectée par la direction. Il a été décidé de ne pas parler de la vie privée des politiques. Après, si l’on estime qu’un des éléments que l’on amène rentre dans ce cadre là, on ne le diffuse pas !

 

Les reproches que l’on fait à votre chaine comme quoi vous avez trop de connivences avec le pouvoir et Nicolas Sarkozy. Qu’en pensez-vous ?

Non, jamais ! Nous sommes des journalistes et les relations qui peuvent avoir les dirigeants de la chaine, comme Bouygues, n’ont rien à voir, et cela ne nous regarde pas. Quand je présente mon journal, je ne reçois aucuns appels des dirigeants ou d’une personnalité politique. Jamais ! On est là pour donner des informations. Ce sont les gens qui réagissent suivant leur sensibilité mais en tant que journaliste on ne doit pas donner notre sentiment sur l’information que l’on traite! Il n’y a aucune pression, ni économique, ni politique.

 

Mais vous savez tout de même que ces derniers temps qu’entrent les français et la presse, il y a une certaine méfiance, notamment à propos du journal de TF1 !

Je pense qu’il y a eu depuis la campagne présidentielle, un responsable politique qui a axé sa campagne sur cette soi-disant connivence entre les médias et les pouvoirs financiers. Mais je peux vous dire, là encore, que cela révèle en grande partie du fantasme.

 
On va aborder le livre choc, écrit anonymement par des journalistes de la rédaction de l’information, au sein de votre chaine, Qu’en pensez-vous ?

Je l’ai lu, mais je ne vais pas m’étendre sur ce sujet. Il y a un passage d’une quinzaine de lignes où je suis cité, c’est donc un événement dans lequel je suis, et je ne reconnais pas ce qui est écrit ! On me prête des intentions qui ne sont pas les miennes, à ce moment là. J’estime que si une quinzaine de lignes ne correspond pas à la réalité, je suis plutôt pas mal placé pour mettre en doute le reste de ce qui a été écrit dans ce livre. Je pense que tout ce qui est écrit est largement caricaturé, amplifié, et que les faits sont faux. Enfin, il faut prouver que se sont des journalistes internes, des journalistes de la rédaction, mais il faut faire confiance à l’étique des journalistes.

 

Quand nous sommes arrivés, votre assistante, nous a accueillis en nous disant « Bienvenue dans notre grande maison ». Sommes nous dans un monde parfait et beau ?

C’est comme dans toutes entreprises, ce n’est pas pire qu’ailleurs et ce n’est pas forcement mieux. Je peux dire que j’ai été accueilli dans cette rédaction, j’en été le premier étonné, mieux qu’ailleurs et pourtant j’en a fait paquet ! I I>Télé est aussi extrêmement accueillant, mais ici,  c’est une maison où l’on vit bien, nous n’avons pas à nous plaindre.

 

Dans quel atmosphère êtes vous arrivé ?

Tous les journaux faisaient leurs unes avec « le premier noir au 20h » ! Mais je l’ai pas ressenti ici, c’est ce qui m’a étonné. Une pression à l’extérieur et un cocon à l’intérieur. J’ai été mis à l’aise, ce qui m’a aidé pour mon premier journal.

 

Pour vous la diversité positive dont on a parlé n’a rien à voir ?

Je ne dis pas cela ! Je dis qu’il faut faire attention à la place que l’on donne à ces questions là et que toutes les premières font beaucoup parlées ! Et c’est un débat que j’assume tout à fait !

 

Penses que nous serions prêt à élire un président de couleur, comme Obama aux Etats-Unis ?

En France, nous ne sommes pas parmi les plus rapides mais un jour cela se fera !

 
Vous vous entendez bien avec vos collègues Patrick Poivre d’Avor, Claire Chazal ou Jean Pierre Pernault ?

Oui je m’entends bien mais je suis surtout en contact avec la rédaction, c'est-à-dire les journalistes qui fabriquent le journal, les reporters ou rédacteurs en chef, c’est là que nous avons des relations très cordiales. Entre présentateur, c’est n’est facile car nous ne sommes pas sur les même créneaux alors on se croise, on se salue, on discute, mais ce n’est pas avec eux que j’ai le plus de relations, c’est une évidence.

 

Petite précision, vous êtes journaliste ou présentateur ?

Je suis journaliste mais présentateur de journaux télévisés. Un présentateur de JT est un journaliste.

 
Vous nous avez parlé de déontologie, mais est ce que, vous le présentateur de JT, vous pensez que le journal de 13h de JPP c’est de la qualité journalistique ?

Alors là, très franchement, je le regarde, mais je n’ai pas à me prononcer sur le travail des uns et des autres. Je pense que l’ensemble de la rédaction de TF1 fait un travail de journaliste et le fait bien. Maintenant c’est un journal étudié et construit pour un certain public et ça fonctionne extrêmement bien. Il fait les meilleures audiences de France.

 

Est-ce que l’état de la presse vous inquiète, de voir qu’elle est derrière des hauts pouvoirs et qu’elle est muselée ?

J’ai envie de vous demander à vous si cela vous inquiète !

 

Effectivement, ça nous inquiète !

J’ai envie de vous dire qu’il faut avoir confiance aux journalistes. Encore une fois, ce n’est pas parce qu’il y a des liens entre les patrons de presse et des personnalités politiques, qu’il ne faut plus faire confiance. Nous sommes des journalistes !

 

On ne vous voit pas souvent à la télévision, outre le JT regardé par des millions de français, pourquoi cette réserve ?

Ce n’est pas mon truc, je refuse énormément d’interviews ! C’est une volonté personnel de ne pas apparaître dans tous les magasines, j’ai refusé beaucoup de choses !

 

Vous vous rendez, en ce moment, dans des lycées de banlieue, avec Robert Namias, à la rencontre des élèves. Comment se déroulent ces journées exceptionnelles ?

Extrêmement bien ! Les élèves posent souvent les mêmes questions, nous leur répondons simplement. Mais il n’y a aucun problème, c’est très bien !

 

Une fille dans notre classe veut présenter le journal de TF1, pourriez-vous-lui faire un passer un message ?

Mauvaise pioche ! Il ne faut pas avoir envie de présenter le journal de TF1. Soit on a envie d’être journaliste, et il se peut qu’un jour elle présente le JT, mais si elle débarque et dit qu’elle veut présenter le JT de TF1 avec cette unique obsession … Ca fonctionnera pas !

 
C’est ce que l’on lui conseille tous les jours !

Je confirme alors votre diagnostic (rires) !

 

 

Propos recueillis par MEKLAT Mehdi et SAID ABDALLAH Badroudine

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V
J'ai arrêté à 3 le décompte des "Il faut faire confiance"!<br /> Je suis persuadé que votre interlocuteur, s'il était convaincu d'être confronté à un cas de censure explicite, démissionnerait comme tout journaliste digne de ce nom.<br /> Mais tout se passe extrêmement bien! Les journalistes posent souvent les mêmes questions, on leur répond simplement. Mais il n'y a aucun problème, c'est très bien!
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